«Il faut maintenir les acquis et développer le

festival de façon harmonieuse»

- Entretien réalisé par Ouafaâ Bennani, LE MATIN

Entretien avec Nordine Sail directeur du CCMet président du FNF

Le Matin : Quinze ans après la création du Festival national du film, qu’a-t-il apporté de concret pour les cinéastes et l’univers cinématographique marocain, sachant que cela fait huit années que vous veillez à son organisation ?


Noureddine Sail : La première fois que nous avons organisé le Festival à Tanger, en 2005, où il y avait des techniciens, des acteurs, des réalisateurs, des critiques marocains, notre objectif était d’informer les Marocains sur l’évolution de leur propre cinéma. Mais, petit à petit, cette information a pris plus d’ampleur, puisque beaucoup de festivals étrangers ont commencé à venir y assister. D’abord trois festivals, puis six, puis neuf. Cette année, nous avons dépassé la barre de vingt festivals internationaux qui sont là pour choisir les films qu’ils vont présenter dans leur compétition. Comme il y a, aussi, des distributeurs, bien sûr nationaux, mais aussi, espagnols, portugais et français. Donc, la création de ce rendez-vous permanent a permis, ces dernières années, de cueillir les fruits. Cela prouve que le festival est bien installé.

Est-ce que l’existence de ce festival a un rapport avec la progression du chiffre de la production marocaine ?


L’existence de ce festival, à l’instar de celui de Marrakech, est avant tout de jouer un rôle de vitrine, c’est-à-dire montrer ce que nous faisons et amener les gens à s'y intéresser. Maintenant, l’incidence directe sur la progression du chiffre est plausible, mais ce n’est pas l’essentiel. Ce qu’il y a, c’est le taux d’augmentation de l’aide à la production. En fait, les deux se complètent. À partir du moment où il y a un lieu pour montrer au public ce qui se fait, cela devient un besoin chez nos responsables d’aider plus. Nous avons démarré le Fonds de soutien avec 30 MDH, aujourd’hui nous sommes à 60 MDH. L’État est, donc, convaincu par ce qui se passe et ce qui se dit autour des films marocains. 
Il y a, aussi, les échos des étrangers sur ces productions. À vrai, tout est lié et nous essayons de garder ce lien entre le festival, la production et les professionnels. C’est ce qui fait marcher le FNF.

À propos de l’infrastructure du Festival, vous avez souligné qu’elle était suffisante pour accueillir cette manifestation. Mais nous avons constaté qu’il y avait chaque jour des problèmes de places à la cinémathèque de Tanger ?


Ce n’est pas facile de placer dans une salle pouvant accueillir 300 à 400 personnes. Cela peut marcher les jours où les films sont présentés et encore. C’est toujours chaleureux et très plein. Mais, les cérémonies d’ouverture et de clôture, ça devient petit. 
Maintenant, les responsables ont commencé à comprendre qu’il y a, aussi, 400 places à la salle Le Paris où ils pouvaient voir le même film une demi-heure plus tard. Je pense qu’il faut appliquer une sorte de pédagogie pour que les gens acceptent de faire avec ce qu’il y a maintenant, le temps que le Grand complexe culturel de Tanger avec des salles projections voie le jour. À ce moment-là, nous pourrons faire une ouverture avec une salle de mille places. Il faut seulement savoir attendre.

Les longs métrages de la compétition officielle présentent une grande dissemblance. Ne pensez-vous pas à faire une présélection pour donner plus d’importance à cette compétition nationale ?


À partir du moment où on met l’ensemble de la production nationale, il y aura certainement des films très bons, des films bons et d’autres pas bons du tout. Si l’année prochaine on prend la décision de faire une sélection, il est certain qu’au lieu des 22 ou 24 films, on aura seulement 14 et il est certain que ceux qui n’arrivent pas au niveau requis seraient éliminés. 
En tout cas, c’est le mouvement naturel du festival. Il fallait d’abord commencer par programmer ces films, montrer tout ce que nous faisons et puis une fois que le festival est pleinement installé, on peut commencer à rentrer dans les détails. Donc, l’année prochaine, soyez persuadés que les 14 ou 15 films que vous allez voir seront du point de vue technique, esthétique… à un niveau à peu près acceptable pour tout le monde.

Que pensez-vous du Prix de la Critique qui a été retenu cette année pour les courts métrages ?


C’est un jury qui n’est pas officiel. Il est libre de prendre les décisions qu’il veut. Un jury peut aussi, s’il le souhaite et s’il analyse la situation de façon rationnelle, décider de ne pas attribuer un Prix. Les membres ont fait le tour d’horizon des films présentés et ont trouvé qu’il n’y a aucun court métrage valable. C’est leur responsabilité.

 

Avez-vous un rêve pour ce festival ?
Moi, je ne rêve pas, je réalise. 
 

 

Parcours d’un homme dont le destin est lié au cinéma

Natif de Tanger en 1948, Noureddine Sail, passionné de cinéma, lance dans son garage un vidéo club qui comptera 80 000 membres à l’échelle nationale. Après l’édition de son magazine militant pour une plus forte industrie du cinéma marocain, il rejoint la chaine TVM, en 1984, comme directeur des programmes. Puis, cinq années plus tard, il fut sollicité par la télévision payante Canal+. Noureddine Sail retourne, en 2000 au Maroc, pour diriger la chaine 2M, suite à laquelle il fut proposé comme directeur général au CCM où il contribue vivement à la montée des aides à la production nationale. Les résultats de ses actions ne se sont pas fait attendre, puisque la production marocaine a connu un grand bond au niveau de la quantité. Comme il a été question de s’attaquer à tous les sujets considérés auparavant comme étant tabous, notamment la religion, les contre-cultures ou le statut de la femme. Il a, également, offert un grand soutien aux jeunes cinéastes traitant des sujets de société peu abordés. De ce fait, nul ne peut nier le rôle essentiel qu’il continue de jouer dans la restructuration et l’émergence d’une industrie cinématographique marocaine.

 

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